Nombreux sont ceux qui hurlent au scandale dés qu'une personne issue de la scène punk ou HxC accède à un semblant de notoriété auprès du grand public. Il est des fois où cela peut paraître justifié, notamment lorsque celles-ci se servent de cette même scène comme d'une sorte de tremplin pour atteindre un simple statut de « Rockstars » sans autre but que de récupérer d'avantage d'argent ou autres matières substantiellement illicites (syndrôme Against Me ?), mais dans certains cas comme dans celui de Nate Powell dont la dernière BD en date « Swallow Me Whole » vient à la fois d'être éditée en version française par Casterman tout en ayant été retenue dans le cadre de la sélection officielle du Festival d'Angoulème 2010, cela simplement plaisir à voir.
Il y a une bonne douzaine d’années, j’étais tombé en arrêt devant quelques-uns de ses dessins qui ornaient régulièrement les pages de Heart Attack (le zine de Kent Mc Lard de feu Ebullition et ancien collaborateur dissident de MRR) et je m’étais empressé de lui envoyer quelques dollars pour recevoir un des zines qu'il éditait lui-même à l'époque ("The Shwa Sound"). Ma lettre resta sans réponse pendant près de 2 ans au point d’avoir rapidement fait le deuil des quelques dollars que j’y avais glissé pensant qu’ils avaient probablement fait le bonheur d’un quelconque postier malveillant en ayant profité pour les subtiliser au passage comme ça arrivait régulièrement à l'époque, lorsque tomba dans ma boite au lettre un énorme paquet de sa part, s’excusant à la fois du retard avec lequel il me répondait, tout y incluant une large sélection de ses derniers ouvrages en date allant de simples zines photocopiés jusqu'à ses premiers comics publiés de façon professionnelle (en l'occurence les tous premiers numéros de "Walkie Talkie").
J’étais aux anges ce jour-là, et lui avait réécrit dans la foulée en lui envoyant le première traduction de Cometbus que je venais de sortir (« En dépit de tout ») en lui proposant d’en faire de même avec une sélection d’histoires de son choix, tout en lui précisant que ça resterait du pur travail d’amateur amené à ne sortir que sous forme de simple zine photocopié dont je ne pouvais lui garantir que de lui en envoyer quelques copies en contrepartie, voir éventuellement un peu d’argent en fonction des ventes de celui-ci et ce qu’il me resterait après impression/diffusion et retour de dépôt (soit généralement pas grand-chose et dans le meilleur des cas tout juste de quoi en couvrir les frais de réimpression…).
Ca me paraissait un peu osé vu la qualité de son travail, et le peu que j'avais à lui offrir en contrepartie, mais je me suis dit que ça valait tout de même le coup d'essayer dans la mesure où j'aimais beaucoup sa démarche et sa manière d'appréhender les choses à d'autres niveaux, comme en travaillant en parallèle à temps partiel avec des personnes souffrant de déficiences mentales en tentant de les sortir de leurs handicapes au moyen du dessin.
Il me répondit dans la semaine qui suivit l'envoi de ma lettre en me disant que je pouvais utiliser tout ce que je voulais parmi les différentes choses qu’il m’avait envoyées, et de juste lui envoyer une copie ou deux du résultat final. J’avais trouvé ça particulièrement sympa de sa part, et sur le moment n’avais su par où attaquer en terme de sélection tant tout me plaisait. Mon choix s’était finalement arrêté sur « Conditions », cette histoire de 2 personnes liées par les hasards de la vie, aux chemins se séparant bêtement sur un malentendu, ou plutôt de n’avoir su, ou osé s’avouer leurs sentiments respectifs au bon moment, en se réveillant comme toujours un peu tard après avoir loupé le coche, le genre de situation dans laquelle j'avais eu l’impression d’avoir baigné toute ma vie, sans en être d'ailleurs jamais réellement sorti…
Je m’étais attelé à la tâche, dés le lendemain de sa réponse. J’en avais scanné toutes les pages en un weekend, effectué la traduction dans la foulée en essayant de faire au mieux malgré un anglais pas toujours des plus académiques, puis avais essayé de singer son écriture pour rester le plus proche possible de son style pour que rien ne dépareille. J’avais ensuite rajouté quelques dessins récupérés dans les numéros de Heart Attack dans lesquels je l'avais découvert et que j'aimais tout particulièrement, accompagné le tout d’une petite page d’intro pour présenter son travail, et une semaine plus tard commencé à imprimer tout ça, tout en lui en ayant bien évidemment envoyé quelques copies dans la foulée…
Je n'eus plus de nouvelles par la suite, mais nos routes se croisèrent 7 ans plus tard (en 2006) alors que l’on s’apprêtait à jouer au même endroit (en l’occurrence L’Etincelle à Angers) avec nos groupes respectifs (Soophie Nun Squad pour lui dont une large sélection de photos du concert en question traînent ailleurs sur ce blog, et Customers pour moi mais sans photos de nous, Roms ayant eu quelques difficultés à saisir les subtilités de fonctionnement de mon appareil ce soir-là...). Ce même jour j’avais accroché quelques-uns de mes collages à la demande de Xavier (de Booter), et Nate se souvenant des zines que je lui avais envoyés à l'époque, entama la discussion avec moi de la manière la plus naturelle qui soit et nous passames ainsi une bonne partie de la soirée à parler de choses et d'autres avant de se promener au milieu de la nuit dans les rues d'Angers avec le reste du groupe et une partie des gens présents ce soir-là dont l'ami Yann Nada, ayant également exposé ses propres collages pour l'occasion, tout comme Miette d'ailleurs...
Bien du temps s’est écoulé par la suite, et de nombreuses anthologies de son travail sortirent au fil des ans aux Etats-Unis tant sur Top Shelf que Soft Skull, Shortlit ou Microcosm Publishing. C’est d'ailleurs également lui qui dessina certaines des couvertures des numéros les plus récents de Cometbus (dont le tout dernier en date), et pour le coup c’est quelque peu amusant de voir son dernier ouvrage en date soudainement publié en France, qui plus est faisant partie de la sélection 2010 du Festival d’Angoulème...
Par contre là, je n’ai strictement rien à voir dans l’histoire, même si l’an passé ou il y a 2 ans, David P. m’avait contacté pour me proposer de travailler sur de nouvelles traductions qu'il souhaitait proposer aux Requins Marteaux et qui n’ont malheureusement pas connu de suite, et pour cause…
La couverture de la traduction française parue chez Casterman qui pour une fois ont eu l’intelligence d’en laisser le titre en anglais !
Et sa version originale sortie l'an passée sur Top Shelf et ayant remporté 3 Eisner Awards... Dire qu’il y a encore plus longtemps, avec Adrian Tomine on s’était également échangé nos premiers zines du temps où Optic Nerve n’était qu’un petit zine photocopié pas très bien dessiné, ça me fait bizarre de voir ce que sont devenus ces 2 bonhommes depuis…