C’était le jour de mon arrivée à Oakland. Kamala devait se rendre chez ses parents pour y faire des lessives sans avoir particulièrement envie de me les présenter (les parents, pas sa lessive !), et sa coloc, Arika (Ancienne guitariste ou batteuse de Blatz idem j’ai un doute, ancienne voisine de Billie Joe avec lequel elle se rendait tous les matins au collège en étant gamine, et accessoirement grande sœur d’un certain Mike qui débutait dans un groupe s’appelant The Enemies qui sortirent quelques années plus tard un album sur Look Out ! qui marcha plutôt bien) me proposa de l’accompagner voir le groupe de son copain (Ojo Rojo) qui rentrait d’une courte tournée et jouait dans un bar en compagnie de 2 autres groupes, dont Hickey que je ne connaissais pas encore.
Elle se présenta en me disant qu’elle était complètement cinglée, mais très gentille, ce qui ne me parut pas plus inquiétant que ça.
En montant dans sa voiture, je fus surpris de constater qu’il n’y avait plus de vitres sur les portières latérales. Elle m’expliqua qu’on les lui fracturait régulièrement pour visiter sa voiture, mais vu qu’il n’y avait plus rien à voler dedans, elle ne voyait pas l’intérêt de les changer ce qui lui évitait des frais inutiles… C’était effectivement une manière pour le moins on ne peut plus pragmatique de voir les choses qui me donna par la même occasion une vision assez explicite de l’environnement dans lequel j’allais être amené à évoluer dans les semaines à venir… Malheureusement, ceci ne fut que le haut de l’iceberg, d’autres anecdotes beaucoup moins drôles m’amenèrent par la suite à redoubler de vigilance et éviter de sortir seul trop tard le soir, en me baladant en tant que cible potentielle dans un quartier où ma couleur de peau ne m’annonçait pas forcément comme étant le bienvenu…
Le bar était minuscule, mais j’ai adoré l’endroit, et encore plus Hickey, bien que ces derniers ne se donnèrent la peine de ne jouer qu’une petite poignée de titres en un court quart d’heure. Les gars ne ressemblaient à rien avec leurs baskets défoncées dont la semelle tenait au moyen de simples bouts de Scotch (duct tape en anglais et non Whisky) et leurs fringues sorties tout droit de quelconques succursales de l’armée du salut, ce qui me les rendit d’autant plus sympathiques.
Quelques jours plus tard je partis passer quelques jours à San Jose pour y rendre visite à un autre de mes correspondants de l’époque (Mike Park, qui venait depuis peu de lancer son label Asian Man Records, et bossait sur l’enregistrement du premier album des Chinkees auquel il m’invita d’ailleurs à assister, et même participer en y plaçant quelques cœurs). Le lendemain de mon arrivée, il m’amena visiter les locaux de son label qui se trouvaient être simplement l’ancien garage de ses parents réquisitionné à tout autre usage. J’ai passé l’après-midi à lui filer un coup de main et empaqueter des paquets promos. Pendant que nous nous affairions passait en boucle un disque que je ne connaissais pas, et qui retint mon attention plus qu’aucun autre. Curieux de savoir ce que nous écoutions depuis un bon moment, un de ses amis qui bossait aussi là, me dit qu’il s’agissait de Hickey qui étaient des potes qu’il connaissait bien.
Pour le moins séduit, j’étais parti pour essayer de me trouver leurs disques disponibles, mais il m’apprit dans la foulée que la plupart n’étaient sortis que sur de tout petits labels et étaient quasiment tous épuisés. De nature plutôt optimiste (contrairement à ce que de nombreuses personnes prennent un malin plaisir à penser en me lisant !), je pensais que mon séjour à Berkeley et San Francisco me permettrait d’en trouver quelques copies sans trop de problème, mais malheureusement ma quête s’avéra totalement impossible et je repartis bredouille et passablement déçu.
Il s’est écoulé 10 ans depuis ce séjour, et je n’ai jamais réussi à trouver aucun de leurs disques pour autant.
Comme beaucoup de gens à cette époque dans le secteur de la baie de San Francisco, Matty (guitariste / chanteur et principal compositeur du groupe) développa de sérieux problèmes de drogue en réponse à ses innombrables maux intérieurs (" The only solution to life’s tribulation " comme il se résignait malheureusement à la définir lui même…) qui en emportèrent plus d’un...
Celui-ci s’est éteint dans le courant de l’année 2002 dans des conditions pour le moins tragique. Sa mort provoqua de nombreuses réactions de témoignages touchant qui donnèrent naissance à ce site en son hommage, qui me permit de retrouver finalement trace de ce groupe dans des circonstances que j’aurais préféré tout autre...
http://www.mattyluv.com/
Sur lequel, j’ai d'ailleurs retrouvé quelques photos prises au cours de ce fameux concert où je les avais vu jouer (Tout du moins, c’est ce qu’il me semble pour le souvenir que je garde du lieu, et de l’image du groupe ce soir là que j’ai toujours gardé en mémoire), et que voici…
Ainsi que celle-ci plus reposante que j’aime beaucoup...
Matty (1968 - 2002)
Si je peux vous recommander quelque chose c’est de jeter une oreille sur les discographies de ses différents groupes qui y sont mises en libre téléchargement dans leur quasi intégralité (Bon OK, bon nombre sonnent probablement aussi daté que le fait de porter des dreadlocks, mais en même temps ça correspond bien à l’esprit punk east bay de l’époque, bien avant que tout ne se compartimente autant en styles bien définis ultra formatés…), mais aussi et surtout, d’explorer le zine collectif réalisé à sa mort (et dans lequel on retrouve de nombreux témoignages touchant dont entre autre celui d’Iggy Scam avec lequel il officia une courte période au sein de Shotwell ou Miami) également mis en ligne dans son intégralité !
Soundtrack : Fucked Up " What could have been ? " / D.S.13 " Rippin shit " / Regulations " Nowhere " et surtout Spazm 151 " Freedom " (…just another word for nothing else to lose !) / " Whatever happened " / M.I.A. " Boredom is the reason "